La mémoire marine de
l'humanité s'inscrit à la surface des océans par des textes
d'écume creusés par les bateaux. Jonques, boutres, radeaux,
paquebots, toutes formes d'embarcations, archaïques ou
sophistiquées, gravent dans le corail les mouvements perpétuels de
l'homme sur les flots. Chaque étendue d'eau, chaque lac, chaque
rivière, chaque bassin versant porte en lui cette conquête de la
planète bleue par les humains, de la première noyade à la dernière
marée noire. Poussé par les forces laminaires de l'atmosphère, le
bateau est un pionnier, qu'il soit barque de pêcheur ou pirogue de
migrants. À la fois tragique et merveilleux, il est le moyen de
transport le plus apte à donner la saveur aigre-douce du voyage, à
en révéler l'essence universelle.
Sous les latitudes
tempérées, avec la démocratisation du voyage aérien, le bateau en
tant que moyen de transport passager a été supplanté par l'avion.
On ne traverse plus l'atlantique par la mer mais par les airs. La
transatlantique en bateau est aujourd’hui un loisir ; sur des
trimarans ou de grands bateaux de croisière le but n'est plus
d'atteindre le nouveau monde mais bien le voyage en lui même. De
même pour une frange de la population asiatique qui peut maintenant
avec un grand nombre de compagnies low-cost se payer des
voyages aériens. Le temps de Vasco de Gama ou de la flotte de
Zheng He qui explorait les côtes africaines et ramenait des girafes
du Kenya dans sa chine natale est révolu. Aujourd'hui les mers sont
surtout traversées par des porte-conteneurs.
Le bateau de passager
n'est cependant pas mort. En Afrique il est un moyen de locomotion
très courant. Les ponts sont rares et ce sont les bacs en général
qui permettent la traversé des grands cours d'eau. Dans beaucoup de
régions fluviales ou lacustres, certains villages ne sont accessibles
qu'en pirogue. Les ferrys qui circulent dans la région des grands lacs
transportent beaucoup de passagers et de marchandises là où les
transports routiers peuvent être longs, difficiles et dangereux. C'est
de ces fameux ferrys que ce blog tire son nom, le préfixe MV signifie
motor vessel (navire à moteur). C'est un préfixe de navire
civil, on le retrouve très souvent sur les bateaux africains des
pays anglophones comme le MV Songea qui navigue sur le lac
Malawi.
Malheureusement le
continent est aussi le théâtre d’innombrables catastrophes
maritimes. Il ne se passe rarement un mois sans qu'un média ne
relève (timidement) un naufrage sur un lac, un fleuve ou sur la mer.
Parmi ces désastres, on peut relever celui du MV Bukoba en
1996 qui circulait sur le lac Victoria et qui entraîna dans sa chute
le numéro 2 d’Al-Qaïda de l'époque Abu Ubaidah al-Banshiri. Le
MV Bukoba faisait la liaison entre la ville de Bukoba et la
ville de Mwanza en Tanzanie. Le trajet est aujourd'hui effectué par
le MV Victoria.
Des incidents
tragiques d'une autre ampleur et beaucoup plus relayés par les
médias coûtent la vie à de pauvres migrants qui tentent de rallier
l'Europe et qui arrivent à moitié mourants s'ils n'ont pas déjà
succombé en Méditerranée au large de l'Espagne ou de Lampedusa. On
retrouve la gravité de ces expéditions avec une grande pertinence
dans le film de Moussa Touré « La pirogue ».
Une des tragédies la plus
spectaculaire, responsable d'un plus grand nombre de victimes que le naufrage du Titanic, reste
aujourd'hui une véritable cicatrice dans le cœur des sénégalais.
En septembre 2002, le traversier Le Joola se retourne dans une
tempête au large de la Gambie. Les secours mettent environ 19 heures
à arriver. Le bilan officiel est de 1863 morts. Le bateau qui
assurait la liaison entre Ziguinchor et Dakar portait à son bord de
nombreux casamançais et le nom Joola (diola) vient
d'ailleurs de l’ethnie éponyme majoritaire dans cette région.
Mais les bateaux africains ne sont
pas seulement célèbres pour leur faculté à sombrer, il sont aussi
légendaires pour leur capacité à prolonger leur durée de vie. À
ce titre, le MV Liemba est en train de devenir une véritable
légende. Ce ferry qui circule depuis plus d'un siècle sur le lac
Tanganyika, est un navire de guerre initialement appelé Graf von
Götzen amené en 1913 par les colons allemands. Pendant la
première guerre mondiale, il fut sabordé par les allemands eux-même
afin que les anglais ne s'en emparent. Ces derniers le renflouèrent en
1924 et lui donnèrent son nom actuel. Aujourd'hui propriété de la
Tanzania Railways Corporation, il assure toujours le transport de
passagers sur un parcours qui dessert Tanzanie et Zambie et
irrégulièrement le Burundi et la république démocratique du
Congo.
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