Le 28 septembre 2009,
répondant à l'appel des leaders politiques de l'opposition,
plusieurs dizaines de milliers de guinéens se rendent pacifiquement
au plus grand stade de Conakry, le stade du 28 septembre (date clé
de l'indépendance du pays). Moussa Dadis Camara, chef d'une junte
militaire, est installé au pouvoir depuis plusieurs mois. Il sait
que ces manifestations sont dirigées contre lui, et notamment contre
son projet de se présenter aux élections présidentielles que les
guinéens attendent avec fébrilité. Il interdit les manifestations,
en vain, et la répression est extrêmement violente. Des centaines
de manifestants sont blessés, au moins 157 décèdent, des dizaines
de femmes sont violées, des milliers de guinéens sont traumatisés.
La communauté
internationale s’inquiète alors du sort que va pouvoir connaître
le pays. Une série de télégrammes diplomatiques américains,
publiés par wikileaks et relayés par plusieurs organes de presse,
dont Le Monde et Jeune Afrique, révèlent l'aventure
rocambolesque de ce dictateur que le conseiller Afrique du ministère
français des Affaires étrangères qualifie alors de « fou »
et de « dangereux ».
Français et américains
« conviennent que Dadis Camara doit être écarté du pouvoir »
et cherchent un pays prêt à l'accueillir. Le Maroc est envisagé,
Dadis y cache une grande partie de sa fortune, mais Rabat ne semble
pas disposé à le recevoir. Pourtant le 3 décembre 2009, il est
évacué d'urgence vers la capitale du royaume qui n'en est pas
informé mais qui l'accepte finalement pour des raisons humanitaires.
Le chef de junte vient en effet
d'être victime d'une tentative d'assassinat par son aide de camp. Il
est gravement blessé, des fragments de balles ont été retirés de
son crâne, et d'après le ministre marocain des affaires étrangères
il est « conscient » mais tient des propos « incohérents ».
Il aurait encore une balle dans la tête et souffrirait d'une vision
et d'une locution affaiblies. Les marocains hésitent à laisser
Dadis rentrer dans son pays, cependant ils ne souhaitent pas le
remettre eux-même à la CPI pour des raisons diplomatiques entre la
Guinée et le Maroc. Pour Rabat, la meilleure solution reste alors un
rapatriement en Guinée mais Washington insiste lourdement pour que
Dadis reste dans le royaume le plus longtemps possible.
Le 5 janvier, le pouvoir
de Dadis Camara est transféré au général Sékouba Konaté qui en
échange du soutien de la France et des États-Unis s'engage à ce
que Dadis ne soit pas autorisé à rentrer en Guinée. Ce dernier qui a toujours du mal à s'exprimer aurait recouvré « 80 % de ses
facultés » et commencerait à se demander ce qu'il fait encore
à l’hôpital. Rabat, plus que jamais décidé à s'en débarrasser
aurait appelé le chef d'état du Gabon pour lui demander de
l'accueillir, ce que Ali Bongo Ondimba refuse. Bernard Kouchner,
alors ministre des affaires étrangères aurait demandé la même
chose à Denis Sassou-Nguesso le président du Congo. On s'adresse à
l'Arabie Saoudite, on évoque le Sénégal, le Burkina Faso, la
Gambie, mais aucune solution ne semble s'imposer. Seule la Libye serait
prête a l’accueillir, ce qui n'emballe pas les occidentaux...
Le roi du Maroc décide
alors d'envoyer Dadis à Ouagadougou et ce dernier décolle dans un
avion médicalisé en pensant rentrer au pays.
Le président du
Burkina-Faso, Blaise Compaoré, informé peu de temps avant l’atterrissage, fait
savoir qu'il ne garderai pas le convalescent plus de 5 jours.
Aujourd'hui Dadis vit
toujours en exil à Ouagadougou. Il a fait un séjour dans sa région
natale l'an passé pour les obsèques de sa mère mais attend une
heure plus propice pour rentrer définitivement au pays. Les enquêtes
sur les massacres du 28 septembre 2009 se poursuivent lentement...
C'est incroyable cette histoire. C'est un objet encombrant qu'on essaie de placer quelque part. Personne n'en veut et pour cause! On n'imagine pas tout ce qui peut se passer en sous-main...
RépondreSupprimerGé.
Un dictateur encombrant et dans un état douteux. Comme le dit Gé cela a dû cogiter dur dans les ambassades
RépondreSupprimerQuelle histoire rocambolesque. Une véritable patate chaude dont on ne veut nulle part. Il s'en passe de drôle de choses dans ce vaste monde, merci de nous rappeler par toutes ces histoires. La réalité dépasse la fiction. Vincent B.
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