Sur la place Chacha du
centre ville de Ouidah, un grand figuier témoignerait volontiers de
ce qu'il a vu durant les derniers siècles, mais il ne parle pas.
Parfois à son pied est posée une pancarte sur laquelle on peut
lire : « Ici la place du plus grand malentendu, de la plus
grosse erreur humaine ».
Quatre kilomètres plus
loin, au bout d'une piste de poudre rouge, les vagues caressent une
plage tranquille du golfe de Guinée.
Sous ce grand arbre, Français,
Anglais, Portugais et autres venaient échanger, contre des
marchandises de pacotille, des hommes privés de leur liberté, amenés de force des quatre coins du pays. La place doit son nom à don Francisco Félix de Souza. Né au Brésil de mère esclave et de
père portugais, il arrive en Afrique de l'Ouest à la fin du XVIIIe siècle et devient, malgré ses origines maternelles, un des plus grands
trafiquants d'esclaves de son époque. Il aide le roi Ghézo à
prendre le trône du Dahomey et accède ainsi au rang de
vice-roi de Ouidah sous le nom de Chacha Ier. Werner Herzog s'en est inspiré pour son
excellent film Cobra Verde (lequel est d'ailleurs une adaptation du
livre Le Vice-roi de Ouidah de Bruce Chatwin).
Il a eu officiellement 63 enfants. On compte donc des de Souza en grand nombre au Bénin
et au Togo. Malgré son passé négrier, sa descendance cultive le
souvenir du premier Chacha. Une réunion de famille se tient tous les ans
à Ouidah.
Sur son Facebook
posthume, on peut lire :
«... Francisco de Souza
[…] aida à la déportation des milliers d'esclaves qu'il sauva de
la domination criminelle des rois africains... »
Inspirés d'images et de
descriptions rares, les croquis suivants n'ont pas pour vocation
d'être fidèles à la réalité.
Sur la piste qui mène de
la place des enchères à la plage d'où près d'un million d'êtres
humains ont été déportés se trouvait un autre arbre : l'arbre de
l'oubli. Celui-ci a disparu, un monument le remplace sur lequel se
dresse une sirène qui représente Mami Wata, une divinité vodoun
(ou vaudou).
Le Bénin est le berceau
de la religion vodoun. Les esclaves la diffusèrent de l'autre
coté de l'Atlantique où elle prit différentes formes se mêlant
avec d'autres religions. Elle est aujourd'hui souvent mal perçue.
Les films hollywoodiens la réduisent en général à l'image d'un sorcier maléfique
qui plante des aiguilles dans une poupée. Pourtant le vodoun
est riche d'un panthéon de plus de 250 divinités et n'a rien à
envier aux autres religions polythéistes. On trouve à Ouidah
toutes sortes de fétiches, une forêt sacrée et divers lieux de culte dont le temple des pythons consacré au dieu-serpent Dangbé.
La fameuse route
qu'empruntaient les esclaves pour rejoindre les navires à
destination de l'Amérique est bordée depuis 1992 de sculptures de
l'artiste Cyprien Tokoudagba qui symbolisent les rois du Dahomey et
différentes figures vodoun.
En novembre dernier, le
premier musée d'art contemporain d'Afrique subsaharienne (Afrique du Sud excepté) a vu le jour à Ouidah. Il a été ouvert par la
Fondation Zinsou qui œuvre à promouvoir et valoriser le patrimoine
artistique africain à travers le monde depuis 2005.
Article très intéressant, en ligne avec le livre d'Helen Cooper que je viens de commencer. Encore une fois les illustrations sont magnifiques!
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