21 mai 2014

L'autruche

   De part son extrême chaleur, ses sécheresses et la désertification qu'elle entraîne, la contrainte climatique du continent africain a généré des modes de vie d'errance et de migration perpétuelle chez les hommes et les animaux. Le continent est peuplé de nomades: touaregs du Sahara voyageurs sempiternelles, gnous et leurs cycles de migration sans répit, peuple Masaï traînant ses semelles en pneu à travers les immenses steppes est-africaine; de l'Atlas au Cap, des traces éphémères de poussières sont creusées par le rythme lent et agité de la survie qui se déplace.
Dans ce flux collectif, dans les ornières du grand déplacement africain, on trouve l'autruche. 



   Pour se nourrir dans les milieux semi désertiques ingrats, le plus grand oiseau du monde doit se déplacer toute la journée à la recherche de l'eau et des végétaux qui constituent son alimentation. Elle passe la période de nidification là où ces denrées sont abondantes, mais le reste du temps elle parcourt de 10 à 40 kilomètres entre le lever et le coucher du soleil. Outre les végétaux, qu'elle consomme en abondance, elle se rassasie éventuellement d'insectes, de petits mammifères, de reptiles, de tortues et d'oisillons. En fait, elle est capable d'ingurgiter à peu près tout et n'importe quoi et avale d'ailleurs l'équivalent de plusieurs poignées de graviers et cailloux par jour pour l'assister dans sa digestion. Elle peut par ailleurs se contenter d'eau salée grâce à une glande nasale qui lui permet d'éliminer l'excédent de sel. 




   Les plumes et la viande de l'autruche ont poussé les hommes à en pratiquer l'élevage. Sans cette mesure l’espèce serait probablement éteinte, laissant un vide dans la savane. Dans ce milieu dangereux, elle tient pour les grands herbivores le rôle de sentinelle. Dotée d'une très bonne vue et d'une grande taille, elle repère les prédateurs et fuit rapidement entraînant avec elle zèbres, gazelles et autres gnous. Perchée sur ses grandes pattes, elle est très rapide et peut courir sur une longue distance à une allure de 50 km/h, voir 70 km/h dans des situations extrêmes. 
 


   Les œufs de l'autruche sont particulièrement gros. De fait, différents rôles symboliques et pratiques leur sont attribués depuis des millénaires. Les carthaginois (établis en Tunisie en 814) décoraient les œufs qu'ils se procuraient grâce au commerce transsaharien avec de l'ocre rouge avant de les déposer auprès des dépouilles de leurs défunts.

   Les Bochimans d'Afrique Australe utilisent les œufs coupés en deux pour en faire des bols. Ils se nourrissent d'abord du contenu sous forme d'omelette et chassent aussi l'oiseau qui fourni environ 100 kilos de viande.
Soigneusement décorés de lanières de cuir, les œufs d'autruche constituent des cadeaux de bienvenue très appréciés en Afrique de l'ouest (Niger/Tchad).


 
   L’œuf et l'autruche sont aussi entourés de toutes sortes de légendes. En Éthiopie par exemple, l’œuf aurait la faculté de protéger de la foudre. Mais si ce n'est dans des descriptions hasardeuses et dans des dessins animés, personne n'a jamais vu une autruche enfoncer sa tête dans le sable...
 

4 mai 2014

La bière et l'Afrique

   Engendrée dans la poussière par la soif et le désir de l'ivresse sous le soleil hurlant qui brutalise la terre, simple morceau de pain de céréale trempé dans l'eau et aromatisé, la bière serait née au Soudan, dans la région du Nil bleu. Après s'être largement répandue, elle se boit maintenant de partout en Afrique. Les ingrédients de la bière artisanale varient tant selon les cultures agricoles que l'on pourrait en dessiner une carte aussi riche qu'une carte de tribus. Orge, banane (cf. ici)  , millet, sorgho, les céréales, tubercules et fruits ne manquent pas pour produire cette boisson millénaire. En général, ces préparations locales contiennent encore des éléments en suspension et ressemblent à de la bouillie. La bière industrielle européenne est arrivée à l'époque de la colonisation pour satisfaire les colons peu sensibles au goût et à l'instabilité de ces recettes artisanales.


   Les bières seront par la suite produites dans les premières brasseries locales et au moment des indépendances dans les brasseries nationales. Aujourd'hui quatre brasseurs dominent largement le continent, Heineken, Diageo, Castel et SAB Miller. Les deux derniers représentant à eux seuls plus de 70 % des ventes. En moyenne un africain ne boit que 10 litres de bière commerciale par an quand un anglais en boit 100 litres. En effet, les bières artisanales connaissent encore largement plus de succès que les bières industrielles. SAB Miller, le brasseur sud-africain a voulu dans son offre saisir cette particularité africaine. On trouve dans sa gamme pour tous les goût et toutes les classes de la population: la "Chibuku" (dont je parle ici), bière traditionnelle au sorgho et au maïs qui fermente dans une boite en carton et qui est vendue 0,50 dollar la bouteille en Afrique australe (Zambie, Malawi...). À peine plus chère on trouve la "Eagle" à base de sorgho en Afrique de l'est (Ouganda, Tanzanie...) avant d'atteindre les bières blondes haut de gamme qui valent au-delà d'un dollar.


   La consommation de bières en Afrique connaît de fortes disparités. Elle est notamment plus faible en Afrique du nord ce qui est à mettre en relation avec l'islam qui interdit l'alcool. Dans certains pays, il faut avoir affaire à des vendeurs illicites pour se procurer de la bière. En novembre dernier des responsables islamistes de la ville de Kano au Nigeria chargés d'appliquer la loi islamique ont annoncé avoir détruit publiquement 240 000 bouteilles de bière pour dénoncer des comportement immoraux. Cependant en Tunisie, on trinque à la santé du lancement de la nouvelle bière nationale, la Berber.
   Les marques de bière sont souvent propre à chaque pays, on trouve la "Béninoise" au Bénin, la "Kuche Kuche" au Malawi, la "Gazelle" au Sénégal ou encore la "Three Horses Beer" à Madagascar.


  
  Les étiquettes (et le nom des bières) sont souvent originales et représentent, en général, un emblème fort du pays. Leur beauté vintage et leur aspect "carte postale" sont un excellente raison pour le voyageur d'en faire la collection.


 
   La bière est une boisson sociale qui accompagne toutes sortes de cérémonies et de fêtes familiales, autant d'occasions de la brasser sous sa forme traditionnelle. Mais elle est, dans les capitales et les grandes villes, plutôt consommée sous sa forme industrielle. Pour de nombreux jeunes citadins africains, un des plus grands plaisirs lors d'une chaude journée est de siroter une bière en terrasse alors que l'équipe nationale de football est en train de briller à l'occasion d'un match décisif de la Coupe d'Afrique des Nations.