30 janvier 2014

Kenya, Wangari Maathai

   Le monde du futur sera peut-être un havre de paix pour les humains et toutes les formes de vie qui les entourent. La température du globe sera idéale, le nombre d’espèces animales en danger d'extinction cessera de croître et la quantité autant que la variété d'arbres grandira au point de faire de la terre un grand poumon sain et vivifiant. Les hommes vivront en paix et la guerre ne sera plus qu'un vague souvenir cauchemardesque d'une époque plus ou moins lointaine.
Ce qui sépare les temps actuels d'une telle ère, à mon avis, est un miracle. Viendra-t-il d'une prise de conscience collective ou d'une dictature de militaires inspirée et influente ? Viendra-t-il à la dernière minute où l'homme acculé sera contraint d'agir pour éviter l'heure dernière ? A-t-on raison de croire qu'il viendra?

On peut légitimement se demander si le miracle ne sera pas le produit d'une sensibilité féminine.

C'est en tous cas ce que l'on peut déjà souhaiter au peuple centrafricain après l’élection par le conseil national de transition de Catherine Samba-Panza à la tête du pays. Par ailleurs, au Liberia, l'espoir est né après 14 ans de guerre civile avec l'arrivée au pouvoir d'Ellen Johnson Sirleaf, première présidente d'Afrique, prix Nobel de la paix en 2011. Si c'est la première femme africaine à atteindre le poste de présidente sur le continent, ce n'est pas la première à recevoir cette distinction et le Kenya aussi a son héroïne :






Dans son livre Celle qui plante les arbres Wangari Muta Maathai raconte son parcours et une partie de l'histoire de son pays. Elle est la fondatrice du mouvement de la ceinture verte, Green Belt Movement (GBM), une organisation environnementale conçue au départ pour venir en aide aux femmes rurales du Kenya. Aujourd'hui les activités du GBM sont internationales. Elles visent à réduire la pauvreté par l'éducation des communautés et la préservation de l’environnement.



Le titre original de cet ouvrage, Unbowed ("insoumis"), est peut-être plus juste car Wangari est une militante acharnée. Véritable défenseur des droits humains, ses luttes contre toute forme de pouvoirs tyranniques l'ont conduite plusieurs fois en prison. Mais les intimidations n'ont jamais muselé sa ferveur. Ses convictions et son engagement lui ont valu le prix Nobel de la paix en 2004.






Dans son combat pour la protection de l'environnement, elle a réussi à contrecarrer un projet visant à construire ce qui devait être la plus haute tour d'Afrique au centre de Nairobi. L'édifice, qui ressemblait moins à une infrastructure publique utile qu'à une œuvre pharaonique visant à caresser l’ego du président Daniel Arap Moi, devait empiéter sur le plus grand espace vert de la ville, le Parc Uhuru.
Uhuru en swahili signifie "liberté". C'est aussi le nom du président actuel du Kenya, Uhuru Kenyatta, ainsi que le nom du point culminant de l'Afrique, le Uhuru peak au sommet du Kilimandjaro.


Le nom de Kenya vient de la montagne la plus élevée du pays.
D’après Wangari Maathai, deux missionnaires allemands qui furent les premiers européens à le voir demandèrent le nom du massif à leur guide. Celui-ci, convaincu que les étrangers parlaient de la calebasse qu'il portait à la taille, répondit kiinyaa. Le malentendu persista et les Anglais donnèrent ce nom à la montagne puis au pays.
Certains affirment que Kiinya en Kamba signifie "montagne de l'autruche" et que c'est de là que le massif tire son nom. Personnellement je préfère la version de Wangari.

L'image la plus classique du Kenya, l’icône touristique du pays, est représentée par un animal sauvage qui broute dans la savane, surplombé par le Kilimandjaro enneigé. Pourtant la montagne se trouve dans le pays voisin, en Tanzanie. Cependant le Kenya possède un grand parc naturel à son pied (Amboseli National Park) tout près de la frontière. Le privilège d'observer cette image n'est pas forcément donné à tous les visiteurs du parc car le Kilimandjaro produit des nuages épais et n'est pas si souvent visible !





Wangari Maathai a divorcé en 1979. Lors du procès qui donna raison à son mari, celui-ci déclara que sa femme avait trop de caractère, qu'il ne pouvait pas la contrôler à sa guise.

Elle a continué à se battre pour la défense de l’environnement et des droits citoyens jusqu'à sa mort en 2011.

6 janvier 2014

Ouidah, Bénin

   Sur la place Chacha du centre ville de Ouidah, un grand figuier témoignerait volontiers de ce qu'il a vu durant les derniers siècles, mais il ne parle pas. Parfois à son pied est posée une pancarte sur laquelle on peut lire : « Ici la place du plus grand malentendu, de la plus grosse erreur humaine ».
Quatre kilomètres plus loin, au bout d'une piste de poudre rouge, les vagues caressent une plage tranquille du golfe de Guinée.



 Sous ce grand arbre, Français, Anglais, Portugais et autres venaient échanger, contre des marchandises de pacotille, des hommes privés de leur liberté, amenés de force des quatre coins du pays. La place doit son nom à don Francisco Félix de Souza. Né au Brésil de mère esclave et de père portugais, il arrive en Afrique de l'Ouest à la fin du XVIIIe siècle et devient, malgré ses origines maternelles, un des plus grands trafiquants d'esclaves de son époque. Il aide le roi Ghézo à prendre le trône du Dahomey et accède ainsi au rang de vice-roi de Ouidah sous le nom de Chacha Ier. Werner Herzog s'en est inspiré pour son excellent film Cobra Verde (lequel est d'ailleurs une adaptation du livre Le Vice-roi de Ouidah de Bruce Chatwin).
Il a eu officiellement 63 enfants. On compte donc des de Souza en grand nombre au Bénin et au Togo. Malgré son passé négrier, sa descendance cultive le souvenir du premier Chacha. Une réunion de famille se tient tous les ans à Ouidah.
Sur son Facebook posthume, on peut lire :
«... Francisco de Souza […] aida à la déportation des milliers d'esclaves qu'il sauva de la domination criminelle des rois africains... » 
Inspirés d'images et de descriptions rares, les croquis suivants n'ont pas pour vocation d'être fidèles à la réalité.




Sur la piste qui mène de la place des enchères à la plage d'où près d'un million d'êtres humains ont été déportés se trouvait un autre arbre : l'arbre de l'oubli. Celui-ci a disparu, un monument le remplace sur lequel se dresse une sirène qui représente Mami Wata, une divinité vodoun (ou vaudou).




Le Bénin est le berceau de la religion vodoun. Les esclaves la diffusèrent de l'autre coté de l'Atlantique où elle prit différentes formes se mêlant avec d'autres religions. Elle est aujourd'hui souvent mal perçue. Les films hollywoodiens la réduisent en général à l'image d'un sorcier maléfique qui plante des aiguilles dans une poupée. Pourtant le vodoun est riche d'un panthéon de plus de 250 divinités et n'a rien à envier aux autres religions polythéistes. On trouve à Ouidah toutes sortes de fétiches, une forêt sacrée et divers lieux de culte dont le temple des pythons consacré au dieu-serpent Dangbé.
La fameuse route qu'empruntaient les esclaves pour rejoindre les navires à destination de l'Amérique est bordée depuis 1992 de sculptures de l'artiste Cyprien Tokoudagba qui symbolisent les rois du Dahomey et différentes figures vodoun.







En novembre dernier, le premier musée d'art contemporain d'Afrique subsaharienne (Afrique du Sud excepté) a vu le jour à Ouidah. Il a été ouvert par la Fondation Zinsou qui œuvre à promouvoir et valoriser le patrimoine artistique africain à travers le monde depuis 2005.